Une fois la messe finit, le shérif s'empressa de rejoindre la taverne après avoir ôter ses riches vêtements et opter pour quelque chose de plus discret qui lui permettrait de passer inaperçu. Le cocher s'arrêta quelques rues avant la taverne et le shérif s'éloigna sans mot en clopinant vers la taverne. Il avait prit goût à ses sorties secrètes dans la ville, déguisé en vulgaire habitant. C'est là qu'il en apprenait le plus sur sa ville et sur les hors-la-loi qui infestaient les bois.
Sans plus attendre, il entra dans la bâtisse et observa les clients les passant tous au peigne fin. Aucun ne semblait remarquer sa présence ici. Il sourit et referma aussitôt la bouche, histoire que personne ne découvre la belle dentition qu'il avait!
Il se traina jusqu'à une table éloignée et s'assit en face de son espion préféré. Il n'avait jamais eu l'occasion de voir son visage mais ses informations étaient précieuses et tout chez lui était discrétion. Aishuu était trop anodin pour passer inaperçu alors que lui… c'était juste parfait.

_ Comment se déroule notre plan?, murmura-t-il avec une impatience enfantine.
_ L'or a atteint le fleuve nord, il ne devrait plus tarder, l'informa l'inconnu d'une voix profonde. Mes hommes se sont montrés les plus discrets possible afin de protéger le convoi sans qu'ils le sachent et jusqu'alors tout s'est merveilleusement bien passé.
_ Très bien, très bien. Et Robin ignore tout de ce convoi n'est-ce pas, insista le Shérif qui ne voulait pas voir son or s'envolé une fois de plus.
_ J'ignore s'il est informé, mais ce que je peux vous garantir c'est qu'il n'y touchera pas!
_ Bien, bien, répondit Vasey assurément ravi.

Pour l'heure tout se déroulait comme prévu! En plus si Percy avait bel et bien capturé un hors-la-loi, ils allaient être tous concentrés sur sa libération et le convoi pourrait tranquillement rejoindre sa chambre forte. Mais il fallait leur tendre un piège pour les empêcher de récupérer leur ami. Heureusement Guisbourne, Duncan, Aishuu et Percy étaient présents dans les geôles actuellement. Ils ne tenteraient probablement rien avant demain matin. Mais demain, leur ami aurait parlé et Vasey prendrait une immense satisfaction à le pendre. Tout ceci était parfait !

_ Qu'en est-il du reste?, s'enquit-il.
_ Comme vous l'avez sans doute remarqué, beaucoup d'envoyés du Prince se rendent ici sous ses ordres. J'ignore encore pour quelle raison mais je creuse monseigneur. Il semblerait que le Prince ne vous ai plus dans ses bonnes grâces, remarqua-t-il.
_ Garde tes commentaires pour toi, ordonna le Shérif, contente-toi de comprendre pourquoi et comment je peux les contrer sans offenser sa seigneurie. Je ne tiens pas à ce que cet endroit devienne la résidence secondaire des londoniens!
_ Comme vous voudrez!

L'individu se leva et disparut rapidement par la sortie de la taverne comme une ombre que personne n'avait remarqué. C'était absolument prodigieux et remarquable. Dommage que l'inconnu refuse de rejoindre ses rangs. Il avait diablement besoin d'hommes de la sorte!

Du coin de l'œil, la jeune femme observait le manège de ce qui lui semblait être des hors-la-loi préparaient un mauvais coup. Elle n'en était pas certaine, ne les connaissait pas tous, mais tous encapuchonnés, se faisant des messes basses, devant la taverne, observant les alentours, toute l'attitude de ceux qui cherchent à se montrer discret. Pourtant la tavernière n'intervint pas et ne vint pas les déranger. Elle avait demandé de l'aide à la noble Lady Marianne afin de gracier son ami Louis et si possible le sortir dans la situation délicate dans laquelle il était mêlé par sa faute.
Ariane ignorait si la noble possédait de telles relations dans son entourage, mais si les hors-la-loi participaient à l'évasion de son ami, alors Louis avait une chance de s'en sortir. Malheureusement, il risquait de devenir tout aussi hors-la-loi qu'eux et serait contraint de se cacher. Ariane ne se le pardonnerait jamais. Tout ceci à cause d'elle !
Mais au moins, il serait en vie! Elle le préférerait vivant, dans la forêt avec Robin des Bois, qu'en compagnie de Stanley pourrissant dans les geôles du château.

Aussi la tenancière fit comme si elle ne remarquait rien des préparatifs des hors-la-loi mais ne put réprimer un certain sursaut lorsqu'elle crut reconnaitre Robin parmi eux. Ainsi donc elle avait bien raison. Mais que faisaient-ils ici? Que manigançaient-ils? Robin et elle avaient des derniers échanges plutôt radicaux. Pour rien au monde, elle ne songerait qu'il puisse réapparaitre par ici.
Se sentant probablement observer, le chef des hors-la-loi regarda dans sa direction et croisa son regard. Ariane se contenta de le fixer, sans comprendre, mais un petit signe de tête qu'il lui fit, elle comprit.
Ils allaient récupérer Louis et l'aider à échapper aux griffes de Stanley, ou plutôt ses lames… Elle poussa un réel soupir de soulagement et sentit soudainement totalement redevable envers lui. Oui, vraiment, elle ne saurait comment le remercier. Ils disparurent sans plus se faire remarquer et la tavernière resta seule dans sa taverne avec ses clients. L'espoir cuisant ses entrailles. Pourvu qu'ils y arrivent et que son ami s'en sorte !

* * * * * * * * * * *

Quelques instants plus tard, alors que la messe venait de toucher à sa fin et que certains venaient profiter des joies de Pâques, un homme encapuchonné comme les hors-la-loi fit irruption dans la taverne. Ariane sursauta en songeant qu'il s'agissait peut-être d'un allié de Robin venu la tenir informer de la situation. Louis était-il sauf? La jeune femme l'espérait plus que tout. Mais l'inconnue se contenta de glisser sur le sol – il ne marchait pas non, tous ses mouvements étaient calculés, contrôlés et posés. Sans plus attendre, il s'installa à une table solitaire, fort éloignée du bruit et des oreilles indiscrètes et commanda une boisson forte. Tout chez lui était singulier.
Parce que justement, tout chez lui était simple et mesuré. Il pouvait aisément passer inaperçu. Mais la tavernière mettait un point d'honneur à veiller sur chacun de ses clients. Elle était fort observatrice.
Aussi lorsqu'un second personnage rejoignit l'individu en boitant légèrement, elle sentit son instinct lui hurler que quelque chose d'étrange se tramait ente les deux. Qu'est-ce qu'un homme plein de grâce et d'agilité allait bien pouvoir faire avec un individu si maladroit et gauche. Elle fronça les sourcils, mais les laissa à leur affaire. Elle ne voulait pas avoir d'ennui avec eux. Il valait mieux qu'elle reste discrète jusqu'au sauvetage de Louis.

C'est alors que le premier inconnu quitta l'auberge aussi vite qu'il y était venu, sans demander son reste et jetant négligemment une pièce sur le comptoir. Impressionnée, Ariane ramassa son dû et jeta un rapide coup d'œil vers le second toujours assis à sa table. Il n'avait rien commandé et n'avait pas bougé.
Rongée par la curiosité et exécutant son travail, la jeune femme s'approcha de lui et demanda d'une voix tranquille.

_ Que puis-je vous servir mon brave?

Lorsque l'individu se retourna, la jeune femme eut un brusque mouvement de recul qu'elle contint de tout son être alors que ses yeux s'ouvraient en grand et qu'un cri se coinçait dans sa gorge!
C'était son père!
Le shérif de Nottingham!
Mais que diable faisait-il ici?
Etait-il au courant de l'évasion prévu de Louis? Savait-il que sa fille avait demandé de l'aide auprès de plus puissants?

Lorsqu'on était venu lui proposer à boire, jamais le shérif ne se serait attendu à tomber nez à nez avec… avec qui déjà?
Ah oui, cette nouvelle tavernière qui était arrivée quelques mois plus tôt et qui s'avérait être à son compte. Du moins, c'est ce qu'elle prétendait. Elle avait toutefois eu l'occasion de lui donner des informations précieuses. Mais jamais suffisantes pour capturer ne serait-ce qu'un seul hors-la-loi. Son oreille ne devait pas être assez attentive. Mais vu le regard qu'elle lui lança et le léger mouvement de recul qu'elle eut, il était évident qu'en revanche, elle voyait fort bien… et qu'elle reconnaissait.
Et bien côté discrétion s'était ratée.

_ Ne reculez pas, murmura-t-il prestement. Vous allez me faire remarquer.

Ariane, qui aurait donné cher pour prendre ses jambes à son cou, demeura bien droite et observa avec angoisse son paternel.
Que diable faisait-il ici? Pourquoi cet accoutrement ridicule? Pourquoi tenait-il absolument à se montrer si discret? Certainement à cause de ce convoi secret qui traversait actuellement la forêt de Sherwood. Et dire que par sa faute les hors-la-loi s'étaient précipités au secours de son ami Louis.
Le shérif allait finalement gagné. Mais Louis serait sauf…

_ J'prendrai rien, lança le shérif à voix haute, puis il ajouta plus bas. Je tiens pas à rester longtemps dans ce trou de pouilleux!

Sur ces mots, Vasey se leva et se contint de jeter un regard hautin à cet abjecte endroit et aux personnes qui s'y abreuvaient. Il espérait ne pas avoir attrapé une quelconque épidémie ou pire. Mais plus que tout il espérait que sa conversation n'avait pas été entendue et ne serait pas ébruitée.
Visiblement personne ne lui prêtait attention et les deux hommes s'étaient tenus suffisamment éloignés du reste des tables. Mais la tavernière elle, avait peut-être saisis deux-trois mots.
Comment pouvoir en être sûr, sans qu'elle se pose des questions.
Sur ses pensées, il s'approcha d'elle en lui saisissant le bras et lui murmura à l'oreille d'une voix acide :

_ N'oublie pas que tu es surveillée de près par mes hommes et qu'à la moindre erreur, je brûlerais ce taudis et te ferais payer ta traîtrise amèrement!

Ainsi, il quitta l'établissement toujours encré dans son personnage et se sentit bien mieux une fois à l'abri de son carrosse, caché dans une petite ruelle. Il se débarrassa rapidement de son déguisement et remit avec délices ses belles dents. A présent, il n'avait plus qu'à attendre l'arrivée du convoi qui ne devrait plus tardé. Ses gardes seraient ici dans quelques heures. Il aurait alors ensuite l'occasion d'interroger ce diable de hors-la-loi qui pourrissait dans ses geôles.

De son côté, Ariane se remit doucement du choc et reprit son service habituel. Les paroles du shérif résonnaient dans sa tête et elle ne put s'empêcher de frémir à l'idée de ce qui pourrait l'attendre si on découvrait qu'elle était l'origine de la fuite de Louis. Du moins s'il était libéré.